En Formule 1 moderne, le DRS est si stratégique qu’il est évoqué par les commentateurs sportifs à chaque course. Mais même les plus pédagogues d’entre-eux ont parfois pris pour acquis que leurs spectateurs en connaissent bien tous les détails. Or ce n’est pas toujours le cas, surtout lorsqu’on est novice en F1.
A quoi sert le DRS ? Depuis quand existe-t-il ? Un pilote peut-il l’activer quand il le souhaite ? Pourquoi est-il si stratégique dans les courses ? Quel est son avenir en Formule 1 ? On vous explique tout.
A quoi sert le DRS ?
DRS signifie Drag Reduction System, ce qui se traduit en français par système de réduction de la trainée.
Qu’est-ce que la trainée ?
La trainée (drag en anglais) est un phénomène aérodynamique provoqué par les ailerons arrières des monoplaces.
Les ailerons arrières sont en effet orientés vers le haut pour créer de l’appui aérodynamique (downforce en anglais), une force qui colle la voiture au sol en orientant le flux d’air vers le haut.
L’avantage principal de cet appui est d’améliorer la vitesse et la stabilité de la monoplace dans les virages; mais l’inconvénient d’orienter l’air vers le haut plutôt que de le laisser suivre la direction de la voiture, c’est que cela réduit la vitesse de la monoplace dans les lignes droites.
Comment le DRS réduit la trainée ?
Le DRS est un système qui modifie l’angle de l’aileron arrière. Plutôt que d’orienter le flux d’air vers le haut pour favoriser la force d’appui et la stabilité à haute vitesse dans les virages, un DRS actif va libérer le flux d’air, qui continuera sa trajectoire normale, parallèle au sol, et cessera de freiner la monoplace en ligne droite.
Pourquoi le DRS a-t-il été adopté en Formule 1 ?
Le DRS est le seul élément aéro d’une monoplace qui peut changer de position sur demande d’un pilote en cours de Grand Prix.
Lorsque le système a été introduit en 2011, ce choix a suscité beaucoup d’interrogation : pourquoi introduire, pour la première fois, un élément mobile alors que les pilotes des saisons précédentes s’étaient toujours accommodés de cette trainée ? Devra-t-on compter à l’avenir sur d’autres éléments mobiles ? des ailerons avant escamotables, des pontons gonflables, des fonds-plats polymorphes ?
Pour mieux comprendre, il faut revenir au besoin premier à l’origine du DRS : donner la possibilité à un pilote qui en poursuit un autre de doubler plus facilement.
Le DRS est censé compenser un autre phénomène aéro très pénalisant pour les pilote poursuivants, celui de l’air sale (dirty air). Au fur et à mesure que les capacités aérodynamiques des monoplaces de F1 se sont améliorées, deux phénomènes se sont accrus :
- la pression juste à l’arrière des monoplaces est très faible, ce qui provoque un effet d’aspiration de la voiture qui la suit. C’est un phénomène favorable au poursuivant à condition d’être en ligne droite et de suivre la voiture dans un axe bien précis.
- à l’inverse, suivre une autre monoplace dans les virages ou derrière l’extérieur des roues de la voiture précédente en ligne droite devient de plus en plus compliqué à cause de l’air sale qu’elle rejette. Cela crée un flux d’air aléatoire, imprévisible et inexploitable voire pénalisant pour la voiture qui suit. Difficilement représentable, l’effet induit est comparable aux turbulences dans un avion. Ce deuxième effet était devenu tel qu’il devenait quasiment impossible de doubler. Seul les stratégies d’arrêt au stand permettaient de rompre le statu quo de la course. L’excitation des actions en devenait largement décrus pour le spectateur, ce qui avait tendance à impacter les audiences télé.
A noter que cet avantage donné au poursuivant est très règlementé. Il fait l’objet de mesures très précises pour éviter qu’une écurie cherche à agrandir plus qu’elle ne le devrait l’intervalle entre les deux panneaux de l’aileron arrière.
Quand un pilote a-t-il le droit d’utiliser le DRS ?
Le DRS fait partie intégrante des phases de qualifications. Il est actionable sur des zones spécifiques dans les lignes droites, matérialisées par une ligne blanche au sol, qui peuvent être au nombre de 1 à 3 en fonction des circuits.
En course, le DRS n’est pas actionnable dès les premiers tours. Il faut qu’au minimum deux tours se soient écoulés dans le Grand Prix avant que les commissaires annoncent son autorisation. Sachant que dans certains cas, notamment lorsqu’il pleut, ces derniers peuvent ne jamais l’autoriser s’ils jugent que cela serait trop dangereux.
En course, toujours, les pilotes ne peuvent pas activer le DRS dans toutes les conditions. Il faut qu’un pilote en suive un autre à moins de 1 seconde pour qu’il soit autorisé à l’activer. Il y a donc une notion supplémentaire en comparaison de la période de qualifications : la zone de détection DRS. Il s’agit d’une autre ligne blanche marquée au sol, située avant la zone d’activation, généralement dans l’entrée du virage précédent la ligne droite d’activation.
A noter qu’un pilote poursuivant un retardataire d’un ou plusieurs tours peut aussi bénéficier du DRS si les mêmes conditions sont réunies.
Enfin, il faut aussi préciser que ces critères donnent le droit à un pilote d’activer le DRS mais qu’il n’est pas obligé de l’actionner. Les pilotes doivent appuyer sur un bouton du volant de leur monoplace pour ouvrir l’aileron arrière, puis appuyer à nouveau sur ce bouton ou actionner la pédale de frein, pour le refermer.
Quels sont les avantages et inconvénients du DRS ?
L’avantage majeur du DRS est qu’il augmente le spectacle de la course. Les Grands Prix font l’objet de plus de dépassement ce qui les rend forcément plus télégéniques. Aucun doute qu’il s’agit donc d’un élément positif pour Liberty Media qui y voit une manière d’augmenter les audiences des retransmissions TV et donc le prix des droits TV que la société détient et vend aux chaînes nationales.
En revanche, du point de vue des pilotes, tous ne sont pas de cet avis. Sebastian Vettel, par exemple, avait fait une sortie très remarquée au sujet du DRS en 2018 :
Je ne suis pas un grand fan du DRS […] c’est très artificiel […] Ça me fait penser à Mario Kart. Je pense qu’il serait plus drôle de pouvoir jeter des bananes depuis le cockpit. Peut être que c’est une meilleur idée d’avoir des bananes plutôt qu’un DRS
Quelques anecdotes au sujet du DRS
Train de DRS
On parle de train de DRS lors que plusieurs pilotes se suivent sous la 1 seconde d’écart. Dans ces conditions, l’effet du DRS s’annule puisque l’avantage donné au poursuivant est aussi accordé au poursuivi (puisqu’il est lui-même le poursuivant d’une autre monoplace). Seul le premier du "train" n’a pas l’avantage mais peut rester à cette place pendant de nombreux tours s’il défend suffisamment bien sa position.
Stratégie du poursuivi
Une stratégie commune lorsqu’un pilote sait qu’il ne va pas pouvoir résister à son poursuivant consiste à ralentir avant la ligne de détection DRS afin de se faire doubler avant le franchissement de ligne et pouvoir prétendre à l’activation du DRS dans la ligne droite suivante.
Cela a amené à une situation cocasse lors du Grand Prix d’Arabie Saoudite 2021 pendant lequel Verstappen (1er) et Hamilton (2ème) ont tous deux ralenti avant la ligne, jusqu’à être quasiment à l’arrêt. Hamilton a refusé de doubler avant la ligne et les deux pilotes se sont percutés dans un moment d’incompréhension mutuelle.
Une amende pour avoir touché l’aileron d’un concurrent
En 2021, toujours, Max Verstappen suspectait l’ouverture du DRS d’être plus grand que la norme sur la Mercedes d’Hamilton, ce qui lui donnerait un avantage anti-compétitif. Pour en être sûr, il s’approche de la voiture de son concurrent et pose sa main sur l’aileron arrière. Une scène vite repérée et dénoncée aux commissaires de courses par Mercedes puisque toucher la monoplace d’un concurrent dans le régime de Parc Fermé est strictement interdit par le règlement de la FIA.
C’est finalement Verstappen qui fut soumis à une amende salée de 50 000 € suite au jugement des commissaires.
Une réparation de DRS au scotch !
En 2022 cette fois, lors du Grand Prix d’Azerbaïdjan, la monoplace de Tsunoda a connu un dysfonctionnement majeur provoquant l'ouverture du DRS à toutes les lignes droites sans action de la part du pilote. Un souci technique qui a incité les mécaniciens d’AlphaTauri à réparer cet aileron défaillant au scotch lors d’un arrêt aux stands.
Pour en savoir plus :
Les illustrations de cet article proviennent de plusieurs vidéos de la chaine youtube Chain Bear du talentueux Stuart Taylor. Nous le remercions sincèrement pour la qualité des contenus qu’il publie sur sa chaine et vous invitons à y retrouver les vidéos suivantes (en anglais) si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur l’aérodynamique des monoplaces en Formule 1 :